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milk on the rocks
20 février 2007

La Môme - Dahan ressuscité?

16507J’avais choisi la séance de 13h10, par crainte des masses j’imagine. Comme beaucoup, j’appréhendais la file d’attente de la séance de 19h30 un soir de Saint-Valentin. D’autant que la Môme a bénéficié (ou souffert, au choix), depuis quelques semaines, d’un battage médiatique assez impressionnant, presque inquiétant pour tout cinéphile qui se respecte. D’autant surtout qu’à l’écriture et derrière la caméra se cache un cador de l’esthétique crasse et précieuse : Olivier Dahan. Beaucoup se plaisent à louer son approche vaguement poétique et particulière de la réalisation, je préférerais insister sur le ridicule de sa mise en scène. Quiconque l’a déjà entendu parler ne peut éprouver qu’une certaine anxiété à l’idée que Dahan puisse diriger un plateau.

Les casseroles s’accumulent depuis son premier film, Déjà Mort, et je crains qu’une de plus ne l’enchaîne sur la gazinière de la médiocrité pour y bouillir à petit feu. A l’époque de Déjà Mort, Olivier Dahan a trente ans et fait déjà preuve, malgré une évidente maîtrise technique, d’un sens du néant plutôt remarquable. Voyeuriste, artificiel, clinquant, pachydermique et crade, le film est un monument de connerie suffisante et répugnante. Au milieu de cette merde, les acteurs pourtant prometteurs (Magimel, Duris, Felix et Sibony) pataugent, s’essoufflent et se noient sans ménagement. L’avenir s’annonçait donc bien noir pour le jeune réalisateur qui saura pourtant limiter les dégâts sur Le Petit Poucet puis Les Rivières Pourpres 2.

Pour autant, confortablement installé sur mon siège rouge vif, je n’en mène pas large. Quel cru le marseillais va-t-il donc nous servir ? Deux heures et quelques vingt minutes plus tard, je suis de ceux qui frappent des deux mains et des deux pieds pour saluer la performance d’un film qui s’évertue à éviter les écueils d’un genre que l’on ne connaît que trop bien : la biopic. SI bien que la Môme, que quelques tics dahaniens de réalisation privent de la très convoitée mention de « chef d’œuvre », tient du miracle.

Miracle de l’interprétation d’abord. Marion Cotillard, dont les prestations télévisuelles ne m’ont jamais guère rassuré quant à son intelligence de jeu, tient ici, du haut de ses 31 ans, le rôle de toute une vie. Qu’importe le mascaras parfois trop dégoulinant, car sous le masque, Marion s’embrase et nous crame les yeux d’un talent aveuglant. Elle dépasse la légende, écrase le mythe et l’éventre sur l’autel de la postérité. Edith Piaf n’est plus, ne restera du sacrifice que Marion et son grain de beauté au milieu du front.

Miracle de la narration également. Par le choix d’un récit éclaté, subjectif et arbitraire dans son découpage de la vie de Piaf, Dahan signe un scénario beaucoup plus malin qu’il n’y paraît. Ce parti pris l’affranchit des règles écrasantes de la simple biopic et lui ouvre une brèche salutaire. Car ce n’est pas Edith Piaf que Dahan finit par porter à l’écran, mais la sienne, celle qu’il fantasme à chacun de ses plans toujours plus luxuriants et pesants.

Miracle de l’impuissance enfin. Mettre en boîte la vie et l’œuvre de la plus grande icône populaire française de ce précédent siècle ne pouvait être qu’ambition vouée à la malédiction de Sisyphe. Battu d’avance, Dahan trouve dans cette limite le contrepoids idéal à ses ardeurs de réalisation ampoulées. L’ampleur écrasante de la tâche tempère ses envies de sophistication gratuite et excessive et le contraint à une humilité que l’on n’espérait plus. Conseillons donc à Monsieur Dahan, pour son salut et – mea culpa – notre bon plaisir, de persévérer dans cette voie. Reste à lui trouver une autre icône de la trempe de Piaf dans notre culture populaire… Félicitons-nous, Johnny Halliday a déjà eu son Jean-Philippe, et je me prends alors à rêver d’une biopic consacrée à Barbara. Qu’en pensez-vous Monsieur Dahan : Barbara, ce serait pas mal non ?

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Commentaires
W
Amusant car je me disais qu'une bio de Barbara serait pas mal, en sortant du film de Dahan. Comme toi, je n'étais pas très chaud devant la pelle d'éloges que j'entendais ou lisais, surtout connaissant un peu son auteur. Comme toi, je craignais que Marion Cotillard en fasse un peu trop. Mais finalement, ce film reste poignant et plutôt bon. Ses imperfections nous empêchent de se lever et d'applaudir mais on ressent quelque chose de fort lorsque le rideau tombe.
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