Presse unanime
mais affiche dégueulasse. Mon cœur balance dans la file d’attente du Gaumont
Opéra. D’autant que je commence à bien connaître l’Afrique sur grand écran. Le
très pompier Blood Diamon, le sobre
mais larmoyant Shooting Dogs,
l’efficace The Constant Gardener, le un rien trop démonstratif Cauchemar de Darwin, je les ai tous vu.
Et bien aimé. Mais cette fois, Forest Whitaker, que j’avais apprécié dans Bird ainsi que dans Ghost dog, la légende
du samouraï, est de la partie. Oublions donc les détails marketing foirés
et gageons que ce Dernier Roi d’Ecosse
saura vite nous faire oublier les réticences frileuses.
Ca débute
pourtant sur le mauvais pied. Kevin Macdonald se vautre d’emblée dans les
poncifs du genre. L’Afrique, on craignait de l’avoir oublié, doit forcément
être terre mystique, indomptable et indomptée, noyée de lumière, de légendes
et de sang, le berceau aujourd’hui déchiré d’une humanité qu’elle est décidément pas jolie jolie. Allons-y donc gaiement et
ne lésinons pas sur l’étalonnage surtravaillé, le contraste indécent et le
classique filtre orangé qui donne à chaque crépuscule des airs
d’apocalypse.
Ne nous ménageons pas non plus sur les effets
narratifs. Nicholas Carrigan (James McAvoy, très convaincant), fils de bonne famille
écossais fraîchement diplômé en médecine, supporte mal l’héritage familial guindé
et le parcours tout tracé que lui fait miroiter papa, et décide de s’offrir une
bonne tranche d’aventure. Il partira donc exercer ses compétences au profit des
miséreux dans une petite mission perdue en Ouganda. Et le spectateur de se voir
infliger le sempiternel refrain du petit blanc exilé au pays des vrais gens,
ceux qui n’ont pas un radis mais le sourire écarlate et la générosité
débordante.
Pour autant,
passé la première demi-heure éprouvante, le film s’étoffe d’une épaisseur
bienvenue. Car notre « white
monkey » a l’âme bien plus noire que la peau des petits Africians
qu’il essait de soigner. Opportuniste, il saute sur tout ce qui bouge et n’hésite
pas à séduire la femme du médecin qu’il assiste à la mission. Puis, c’est sans
trop de scrupules qu’il accepte d’être le médecin particulier du nouveau
président ougandais, Idi Amin Dada, dont il a croisé la route par hasard. Vie
de château sur des terres dévastées, confiance sans bornes d’un président pourtant flippant, Carrigan
n’éprouve guère de difficultés à prendre le pli. Décidemment irréprochable, il
va même jusqu’à engrosser l’une des femmes du président. Mais dans le même
temps, Carrigan réalise peu à peu, certes avec une labeur pachydermique, que
les choses partent en sucette.
Le personnage
qu’incarne à la perfection un Forest WHitaker bien conscient du potentiel
oscarisable de son rôle, se révèle rapidement être un tyran fou allié, aussi
débonnaire que paranoïaque, chaleureux que cruel. Un vrai Néron à la sauce
cannibale et os dans le nez qui massacre à tour de bras sujets et collaborateurs les plus proches. Toujours
aussi courageux et sentant le vent tourner, Carrigan décide alors de rentrer
chez papa maman pour un repos bien mérité, ce qui à son grand désarroi s’avère
impossible. C’est dans cette chute vertigineuse d’un docteur Carrigan pieds et
poings liés, d’un régime barbare et sauvage, et d’un pays saccagé, que Le Dernier Roi d’Ecosse bote en touche.
Malgré un léger syndrome « Tony Scott » dans sa réalisation parfois
épileptique, Kevin Macdonald nous cloue sous le fauteuil dans la dernière
demi-heure (scène finale particulièrement efficace).
A la sortie de
la salle, on n’a vraiment plus faim et l’on se prend une fois encore
pleurnicher sur le sort des petits africains. Mission accomplie donc pour ce
film assez moyen mais servi par une distribution aux petits oignons et, n’en
déplaise aux plus cyniques, un sujet qui ne pourrait laisser même un poireau
insensible. Mais c’est avec regret que l'on constate, le soir en se couchant, qu’on
a digéré tout ça aussi vite que les macarons La Durée dégustés à la fin du dîner. Ca se mange donc sans fin et
c’est peut-être d’abord là que le bas blesse.